Aimer aussi «avec sa tête»

L’importance des principes communs dans le couple

Question:


J'ai été très amoureux d'une jeune fille, mais ses parents étaient opposés à notre union, car je n'étais pas pratiquant. Cela nous a amenés à mettre un terme à notre relation. 


Je n'ai gardé aucune rancœur vis-à-vis d'elle, mais je ne comprends pas. Je suis pourtant un vrai juif... 

David 


Réponse:

Cher David,


Vous avez entièrement raison: la qualité de Juif n'est aucunement altérée par une «défaillance» de pratique. Intrinsèquement, il n'est pas de Juif plus saint qu'un autre, car nous faisons tous partie sans distinction d’une nation qualifiée dans la Torah de  « Peuple Saint ». Au regard d'une relation, cependant, cette qualité – quoique fondamentale – n'est pas suffisante à elle seule. D’ailleurs, si vous-même avez aimé cette personne, ce n'est pas uniquement du fait qu'elle est une Juive, ou un être humain, etc, mais bien parce que vous vous êtes retrouvé en elle, de par ses qualités propres. Personne ne conteste la pureté et la noblesse de votre amour. Là où il y a eu un problème, c'est sur la conception de la finalité de cet amour.


Souvent les jeunes gens, influencés en cela par la culture romantique des nations occidentales, érigent comme but ultime d'une relation la célébration de l'amour. Et l'amour, bien souvent, semble se suffire à lui-même. Il s’alimente de lui-même… tant que le charme subsiste.


Or, les parents, qui bénéficient d'une réelle expérience de la vie et d'un recul appréciable, savent que tout cela masque souvent l'absence d'un projet de vie sérieux et construit qui est la raison d'être de la relation de couple et qui garantit sa pérennité. En réalité, ce n'est pas vous personnellement que les parents de cette jeune fille ont rejeté, mais la perspective pour leur fille d'une union où un tel projet serait manquant.


Le mariage de deux êtres de chair consacre l’unité de leurs âmes. 


 Les films romantiques, en effet, s'achèvent souvent par un baiser qui marque le début d'une relation entre le héros et l'héroïne. Mais, si le film s'arrête là, c'est parce que le romantisme ne s'intéresse nullement à la poursuite et au développement de cette relation, mais uniquement à l'instant présent qui semble être éternel : « l’amour éternel… » Cette approche, malgré toute la poésie qu’elle recèle, est complètement déconnectée de la réalité humaine et c’est à elle que l’on doit le taux de divorce alarmant dans notre pays et dans la communauté juive en particulier.

Il faut pourtant reconnaître qu'il semble y avoir ici un véritable piège : la nature humaine fait que nous sommes particulièrement sensibles à la beauté, au charme et à la personnalité du sexe opposé. Il paraît ainsi naturel, voire inévitable, que lorsqu’un jeune homme rencontre une jeune fille qui lui plaît, il se sente rapidement touché au plus profond de son être, au point de ne plus se sentir maître de sa vie. La fréquence des contacts et le développement d’une relation amicale aidant, notre jeune homme pourra bientôt ressentir sans y prendre garde une absolue nécessité de développer cette relation et de la vivre dans une dimension de plus en plus intime. L’élan du cœur se transforme vite en aspiration de l’âme : c’est l’amour – pardon, l’Amour, avec un grand A. Celui qui taraude le ventre. Je vous rassure, ceci est vrai également – et souvent de façon redoublée – pour les filles envers les garçons. C’est une recette infaillible. Elle génère des milliards de dollars de chiffre d’affaire dans toutes les fictions romantiques qui se vendent dans le monde sous forme de livres, de films, etc.

L’amour, expression de l’unité divine


Et cela repose sur une vérité absolue : si ce phénomène est tellement naturel, au point que les producteurs d'Hollywood y investissent sans compter, c’est parce que son mécanisme est inhérent à notre nature, telle que D.ieu l’a créée. Le Midrach nous relate en effet que lorsque Adam et Ève furent créés, ils n’étaient au départ que deux facettes d’un même être, aussi bien spirituellement que matériellement. Puis D.ieu les a séparés physiquement, non sans avoir ancré au plus profond de leurs cœurs la nécessité de retrouver leur plénitude à travers l’union conjugale, le mariage de deux êtres de chair qui consacrerait l’unité de leurs âmes.

 
Le Judaïsme est constitutif d'un projet de vie porteur d'un sens profond qui nourrit et illumine toutes les dimensions de la vieLe verset dit à ce sujet « D.ieu les créa à Son image ». En effet, D.ieu étant Un dans Son Essence, la première créature humaine reflétait cette qualité. Pourtant, pour les besoins de la Création, Il a décidé de s’exprimer de deux façons différentes : Il est Hakadoche Baroukh Hou, le « Saint, béni soit-Il », l’Infini qui dépasse et transcende l’univers, mais également la Chékhina, la « Présence Divine » qui se manifeste de façon immanente dans la création de toute chose et qui limite Sa révélation à la capacité des êtres créés.

Si D.ieu devait révéler le premier niveau, l’univers et tout ce qu’il renferme disparaîtraient instantanément, fondus en leur source. Aussi a-t-Il choisi de restreindre Sa manifestation, en sorte que la Création se maintienne, et ce, afin de nous laisser un « espace » au sein duquel notre existence pourrait revêtir tout son sens.  Cependant, cette dualité n’est qu’apparente et D.ieu reste Un. C’est le sens de notre profession de foi exprimée deux fois par jour : « Chéma Israël –  comprends donc Israël, Hachem Élo-kénou – que l’Éternel qui transcende tout est bien notre D.ieu qui se manifeste ici-bas, Hachem É’had – l’Éternel est Un. »


C’est aussi selon ce schéma qu’Il nous a créés : en effet, si l’amour – le sentiment d’attachement et d’appartenance mutuelle – entre les deux époux semble se suffire à lui-même, célébrant en cela leur unité retrouvée, c’est parce que le couple est à l’image de D.ieu qui est Une seule Entité et qui se suffit à Lui-même.


Pour que l’amour vive


Cependant, pour les besoins de la création, l’homme et la femme ont dû être dissociés. Pour les besoins de la création, pour accomplir la part qui leur est dévolue dans la création de D.ieu, l’homme et la femme doivent être distincts l’un de l’autre et assumer chacun son rôle spécifique. Pour être à l’image de D.ieu Créateur et plus seulement de D.ieu en Lui-même, ils doivent assumer leurs différences afin de tenir des rôles complémentaires dans la création, le maintien et le développement de notre monde.


Ce sont les principes communs qui permettent à une relation de durer dans le temps face aux aléas de la vie. La conception des enfants et leur éducation, la gestion harmonieuse d’un foyer, la prospérité de la société sur des bases saines, exigent que l’homme et la femme fonctionnent selon leurs protocoles respectifs, aux antipodes l’un de l’autre. C’est à cette condition que l’homme peut faire évoluer le monde – son « petit » monde personnel et le « grand » monde universel – vers la perfection à laquelle D.ieu l’a destiné et qui sera atteinte lors de l’avènement messianique – très prochainement.


Ainsi, si le ciment de l’union entre un homme et une femme est l’attachement mutuel, celui du cœur et de l’âme, la condition de sa pérennité dans le cadre de la création – c’est-à-dire à travers le temps – est que le couple se comporte conformément aux principes et au projet de D.ieu dans Son entreprise de création. Ainsi, loin de se limiter aux exigences d’une « pratique » purement gestuelle, le Judaïsme est constitutif d'un projet de vie porteur d'un sens profond qui nourrit et illumine toutes les dimensions de la vie.


Aimer aussi « avec sa tête »


Or, les idéaux, les principes, les choix de vie et leurs modalités sont des notions qui relèvent toutes de l’intellect et non des sentiments. De l’esprit et non du cœur. Il doit donc y avoir un consensus à ce niveau entre un homme et son épouse, lequel consensus constitue les fondations sur lesquelles l’édifice conjugal est bâti. Faute d’une base solide, celui-ci sera à la merci de la moindre secousse sismique quand bien même il aurait été parfaitement cimenté par ailleurs. Ce sont les principes communs qui permettent à une relation de durer dans le temps face aux aléas de la vie, quelle que soit l’intensité initiale de l’amour.


Pour pouvoir envisager de construire un foyer juif heureux dans une vie pleine de sens, il est au préalable nécessaire d’acquérir une perception claire de ce sens. Avant de s’abandonner à aimer une personne avec son cœur et de se laisser submerger par un torrent de sentiments qui balaie toute réserve, il faut donc s’assurer que l’on est en mesure d’aimer cette personne « avec sa tête » : que l’on partage des idéaux et des principes sains pour une vie réussie.

 
C’est la raison pour laquelle la tradition juive plusieurs fois millénaire invite les jeunes gens – généralement sur la proposition d'amis communs qui connaissent bien les deux et recherchent leur bien – à se rencontrer au préalable à travers un échange relatif aux idéaux, aux principes et aux affinités de chacun. Cette rencontre permet également de s'assurer que, d'un point de vue humain, le garçon et la fille se trouvent mutuellement agréables. Lorsque, au cours d'une première et souvent d'une deuxième rencontre, les deux jeunes gens s'aperçoivent qu'ils s’apprécient, ils continuent ensuite à se rencontrer pour mieux se connaître et esquisser les contours d'un projet de vie commun basé sur les principes qu’ils partagent jusqu'à arriver à prendre la décision mûrement réfléchie de fonder un foyer ensemble. C'est au fur et à mesure du développement de cette relation que naissent les sentiments qui iront en s’amplifiant tout au long de la vie. Cet amour-là sera à toute épreuve.

Se préparer pour réussir


Cependant, pour pouvoir envisager de construire un foyer juif heureux dans une vie pleine de sens, il est au préalable nécessaire d’acquérir une perception claire de ce sens. C’est la raison pour laquelle l’éducation juive ne se limite pas à former une jeunesse qui se distingue par ses qualités de cœur, mais a pour propos de lui assurer un regard riche et éclairé sur le monde, un regard qui décèle le sens des choses.


Et si l’on n’a pas bénéficié d’une telle éducation, rien n’est perdu, car cette aptitude est accessible à tous dans la Torah à travers l’étude de ses différents domaines, en particulier de sa partie profonde qui est révélée dans notre génération dans la ‘Hassidout – l’enseignement ‘hassidique.


Je vous souhaite de réussir dans cette voie et de pouvoir célébrer prochainement vos retrouvailles tout d’abord avec vous-même, puis, quand vous y serez prêt, avec votre âme sœur en un moment bon et fructueux.


Emmanuel Mergui - chabad. org

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