Devant les étudiants de Stanford, Steve Jobs évoque la nécessité de « connecter les points » (connect the dots) c’est-à-dire les événements de sa vie pour trouver la cohérence entre les choix guidés par l’intuition et les expériences vécues, non sans inclure une part de destinée. Pour lui, les cartes furent rebattues à la naissance. Suivant le vœu de sa mère biologique, une jeune étudiante, il devait être adopté par des gens ayant fait des études supérieures, en l’occurrence un avocat et sa femme. Au dernier moment, ceux-ci changèrent d’avis : ils voulaient une fille. Une autre famille, sans bagage universitaire, se porta volontaire. La mère du bébé accepta à une seule condition : devenu grand, Steve irait à l’Université.
L’essentiel est de faire confiance à quelque chose – appelez cela vos tripes, votre destin, votre karma… car croire que tous ces points se relieront à un moment de votre vie vous donnera la confiance qu’il faut pour suivre votre cœur, même lorsque vous devrez quitter les sentiers battus. » Car il faut vivre d’abord. La cohérence de l’ensemble se dévoile seulement après coup.
Mais une fois entré à l’Université de Reed, dix-sept ans plus tard, Steve Jobs eut des scrupules : il ne savait pas du tout ce qu’il voulait faire, et ses parents adoptifs s’apprêtaient à dépenser pour financer ses études les économies de toute une vie. Il fit alors un choix qu’il ne regretta jamais : il laissa tomber le diplôme pour suivre des cours en auditeur libre.
Commença alors une période de vache maigre : il dormait sur le plancher dans la chambre de ses copains au foyer universitaire et récupérait la caution des bouteilles de coca pour se payer à manger. « La décision était plutôt risquée mais rétrospectivement, c’est un des meilleur choix que j’ai jamais fait. Ce que je découvris alors, guidé par ma curiosité et mon intuition, se révéla d’une valeur inestimable pour la suite. »
Libéré du cursus obligatoire, Steve Jobs suivit uniquement les cours qui l’intéressaient : il s’inscrivit en calligraphie, sans savoir à quoi lui servirait cette matière « subtilement artistique » dont il appréciait l’histoire et la beauté.
À l’époque, il ne voyait vraiment pas quelles applications pratiques la calligraphie pourrait avoir dans sa vie. « Mais dix ans plus tard, alors que nous étions en train d’inventer le premier Macintosh, tout m’est revenu. Ce fut le premier ordinateur doté d’une typographie élégante. Si je n’avais pas suivi ces cours de calligraphie à l’Université, le Mac ne posséderait pas une telle variété de polices de caractère, ni ces espacements proportionnés. Et comme Windows copie le Mac, il est probable qu’aucun ordinateur personnel n’en disposerait ».
C’est ainsi qu’il vit ses choix intuitifs corroborés par l’expérience vécue. « On ne peut prévoir l’incidence qu’auront certains événements dans le futur, c’est seulement après qu’apparaissent les liens » expliquait Steve Jobs ajoutant « vous devez être convaincus que les connexions se feront à un moment de votre existence.
À 30 ans, il fut renvoyé d’Apple, la société qu’il avait créée. Il ne savait comment assumer cet échec public. Il lui semblait avoir failli totalement. C’est alors qu’il changea de point de vue sur les événements. « J’aimais encore ce que je faisais » se souvient-il. Sans le poids du succès sur ses épaules, il retrouva la liberté du débutant.
La période qui suivit fut selon lui la plus créative de sa vie. Il créa Next, puis Pixar qui devint le premier studio d’animation du monde. Il rencontra sa femme, et fonda une famille. Rétrospectivement, avoir été renvoyé d’Apple lui apparut comme un cadeau du destin.
« Parfois, la vie vous flanque un bon coup sur la tête. Ne vous laissez pas abattre. Je suis convaincu que c’est mon amour pour ce que je faisais qui m’a permis de continuer. Il faut découvrir ce que l’on aime faire. ( …) la seule façon de faire du bon travail est d’aimer ce qu’on fait. Si vous n’avez pas encore trouvé, continuez à chercher, ne baissez pas les bras. »
À l’époque où il prononce ce discours, Steve Jobs vient de se faire opérer d’une tumeur cancéreuse au pancréas et se croit tiré d’affaire. Mais pour lui, la mort n’est plus seulement un concept intellectuel. Il vient de la frôler, et il réaffirme devant les étudiants de Stanford la leçon à ses yeux primordiale : « Votre temps est limité. Ne le gâchez pas à vivre une vie qui n’est pas la vôtre.
Ne soyez pas prisonniers des dogmes qui obligent à vivre en obéissant à la pensée d’autrui. Ne laissez pas le brouhaha des opinions étouffer votre voix intérieure. Et le plus important : ayez le courage de suivre votre cœur et votre intuition : l’un et l’autre savent ce que vous voulez devenir. Tout le reste est secondaire. »
Credit photo - Steve Jobs~ Apple.inc. L'équipe Tov Alliance
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