Dossier exclusif Antisémitisme - Que veut dire être juif en France aujourd'hui?


Les attaques terroristes perpétrées le 7 octobre en Israël ont suscité une vive inquiétude parmi les membres de la communauté juive de France. En raison du climat anxiogène, certains parents d'élèves scolarisés dans des écoles juives sont incités à sécuriser eux-mêmes les bâtiments. 

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Certains pensent même, à ne plus mettre leurs enfants à l'école et pour d'autre, ils envisagent de faire leur Alyah.  Nombreux sont ceux qui ont retiré la mézouza de leur maison et pour d'autres, ils ne portent plus la kippa en public, par crainte de représailles. 

Depuis neuf semaines, plus de 1520 actes antisémites ont été enregistrés trois fois plus que ceux enregistrés en 2022. Des Maguen David ont été taguées sur des immeubles en Ile de France. Il est important de comprendre que le monde ne sera plus jamais le même et de se questionner sur la manière dont nous pourrons retrouver un semblant de normalité.

En novembre dernier, l'équipe Tov Alliance a organisé une rencontre à Paris, avec plusieurs membres* de la communauté. Nous leur avons posé la question suivante : "Que veut dire être juif en France aujourd'hui ?"  Découvrez leurs témoignages. Allez hop, c'est parti! 


David B. Être juif en France aujourd’hui, c’est regarder avec horreur les vidéos publiées montrant les manifestations du Hamas sur le campus de votre université. La semaine dernière, un étudiant juif d'une université parisienne est rentré chez lui car il était terrifié à l'idée de se rendre à son cours à pied. En raison d'un rassemblement pro-palestinien près de la bibliothèque universitaire, il s'est retrouvé coincé à l'intérieur. La police avait peur d'intervenir.

Mazal L. C'est se mordre les lèvres, en voyant des dizaines de voitures de police devant l’école de ses enfants et les voir observer par la fenêtre lorsque vous les déposez, avec un regard désespéré et un tremblement dans les yeux. 

Rachel M. C'est regarder les informations et de souhaiter que vous ne les ayez jamais regardées. C’est rester à l’écart de l’actualité et ensuite se sentir coupable de ne pas savoir ce qui se passe. C'est assister à des manifestations en faveur d'Israël et à des rassemblements de prière avec le sentiment de ne pas avoir apporté son soutien. 

Stéphanie D.  C’est se réveiller avec la nausée au milieu de la nuit, en pensant aux otages et se demander où ils sont et d’imaginer les enfants kidnappés. C’est entrer dans la chambre de ses enfants et s’asseoir par terre pour les regarder dormir pendant que vous pleurez pour les parents et les enfants de l’autre côté de l’océan. C'est appeler des proches en Israël et de leur demander s’ils vont bien plusieurs fois par jour. 

Patrick N. C'est partir en Israël avec du matériel et des équipements de sécurité pour les soldats, puis revenir aussitôt pour en collecter davantage et repartir. C'est afficher des photos des otages partout dans votre ville, et de constater avec effroi que des militants anti-israéliens les déchirent sans scrupules.

Maurice B. C’est être incapable d’arrêter de regarder son téléphone à toute heure du jour et de la nuit, même si on sait qu'on doit le poser. C’est attendre chaque jour que quelque chose change et être frustré la nuit lorsque les nouvelles sont les mêmes qu’hier. C’est se réveiller presque toutes les nuits et vérifier de suite ce qui s’est passé en Israël pendant que nous dormons.  

Corinne M. C'est regarder une carte d'Israël bombardé par des centaines de roquettes et écouter les dirigeants américains et ailleurs insister pour fournir davantage de carburant à Gaza. C'est prier pour nos soldats, mais d’essayer de ne pas regarder de trop près leurs photos, afin de ne pas voir à quel point ils sont jeunes. Nous souhaitons à la fois que nos soldats se rendent à Gaza et qu'ils puissent rentrer sains et saufs chez eux auprès de leurs familles.

Jacky G. C’est ressentir l’incroyable unité du peuple juif et se demander pourquoi il a fallu une telle tragédie pour réaliser que nous formons tous une seule famille. C’est entendre la douleur des familles qui ont perdu des êtres chers ou qui attendent le retour de leurs proches, et de rester sans voix face à une perte inimaginable. C’est porter sa chemise de Tsahal et sa Maguen David et se demander si on va être attaqué pour cela. C’est savoir que nous ne pouvons pas continuer notre vie comme avant, mais ne pas savoir exactement comment continuer. 

Murielle K. C’est parler à sa mère tôt le matin et entendre dans sa voix qu’elle aussi était debout au milieu de la nuit. C’est savoir qu’elle ne pouvait pas non plus se sortir de l’esprit les images des enfants retenus en otages, sans qu’elle ait à dire un mot. 

Karine M. C’est allumer des bougies, réciter des Psaumes et essayer de ne pas parler de l’actualité devant nos enfants. C’est être choqué par le silence des gens face à nos souffrances. C'est crier « Mazel Tov » à la synagogue pour la naissance d’un nouveau né et, quelques instants plus tard, pleurer silencieusement dans notre sidour pendant que nous prions pour nos soldats protégeant les frontières d’Israël. 

Martine D. C'est réaliser qu’Israël n’est pas seulement le foyer de tous les Juifs du monde, mais aussi la police d’assurance de chacun d’entre nous. Affirmer que l'Holocauste n'aurait jamais pu avoir lieu, est naïf. Ce que l'État d'Israël a traversé est bel et bien un pogrom, peut être pire que l'Holocauste. Les nazis de l'époque ont dissimulé leurs actes barbares, tandis que les terroristes du Hamas ont diffusé les images de l'horreur. 

Avrner P. C’est la prise de conscience d’une nouvelle réalité dans laquelle nous devons lutter chaque jour pour notre droit à exister. C’est savoir que nous sommes à un moment de l’histoire où l’on nous demandera à tous : avez-vous pris la parole au nom d’Israël et défendu son droit à lutter contre le terrorisme, quoi qu’en dise le monde. 

En guise de conclusion, nous avons eu envie de poser la question à la Présidente de l'association, "Que veut dire être juif en France aujourd'hui ? " Voici sa réponse -

Rebecca Teboul À mon humble avis, c'est se réveiller demain et de ne jamais abandonner, peu importe le nombre de pétitions, de lettres, de rassemblements, de dons, de voyages et de prières que cela nécessitera. Parce que nous nous battons non seulement pour Israël mais pour nos vies et celles de nos enfants et nos petits-enfants. Nous nous battons pour un monde meilleur. C’est se réveiller au milieu de la nuit et entendre ce léger murmure dans notre cœur qui dit : le peuple juif a besoin de nous. Et de réaliser que nous ne pouvons plus ignorer ce murmure. 

Et pour terminer, je me permets d'ajouter ceci. Certains membres de la communauté ont jugé utile de retirer leurs mézouzot de leurs maisons, par crainte de représailles. C'est un manque total d'émouna. En ce qui me concerne, le jour où je retirerai ma mézouza, c'est pour la poser, avec fierté dans ma nouvelle demeure en Israël, B"H. Soyez fier de qui vous êtes. Soyez fier d'être juif.

L'équipe Tov Alliance

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*Les noms ont été modifiés, afin de préserver l'anonymat.

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